Proésie

Requiem

Proésie Jour 20: Thème: La Musique / Requiem

Tes mains glissent sur mon ventre violoncelle
Cordes sensibles sous ton archet
Tes fréquences m’arpègent
Je vibre d’extase symphonique

Ton pouce sur ma nuque
M’accorde, me dompte
Entre tes genoux
Mon bois se cambre

Nos désirs métronomes
Enchevêtrent les tessitures
De clef de Fa en fugue au sol
Nos harmonies en crescendo

Puissent nos êtres en requiem
Déposer leurs silences
Aux confins de la nuit, au bout des galaxies


Julie Vigneault
Musique : https://www.youtube.com/watch?v=TSXzqQ6g32E

Proésie

Parallélisme

J’ai cette impression étrange d’exister aux confins de deux univers, aux frontières d’un fragile parallélisme.

Là-bas, je suis libre de te goûter, de te dévorer au bout d’un geste tendre. Au-delà des frontières du néant, j’y accueille tes confidences en allumant de grands brasiers dans tes yeux. Au fil des étincelles, je te vacille à la lueur de quelques moments de délivrance. Ma rivière s’inonde au passage du frisson torrentiel de tes mains. Ta tête sur la peau de mon tambour fait vibrer mes failles sous tes rythmes d’oiseau-tonnerre.

Puis, au moment d’enfin sublimer nos souffles, nos miels, je retombe, abruptement, de l’autre côté de ce vaste néant.

Ici, le froid me désœuvre. Mes entrailles nouées se balancent au dessus des ravins de la peur. Mes mots se fracassent sans cesse sur des rochers inquiets. Je suis une perpétuelle embardée lorsque mon esprit craint d’être chassée hors de tes sentiers. Combien de questions pièges pourrais-je encore éviter avant d’avouer mon irrésistible espoir d’être pour toi, simplement, une de ces belles pommes à croquer?

Tandis qu’une moitié de l’univers attend en silence, l’autre tremble en moi bien enfermée dans un écrin doré. Or, avant de me rendormir, avant de m’hiverner, j’aimerais que tu me dises:
Existe-t-il un passage où je puis te retrouver sans trop blessures? Existe-t-il une fusion sans le goût amer du remord? Existe-t-il une résurrection qui puisse enfin sublimer notre lumière?

Chansons

« Je ne veux pas savoir »


Je suis dans une bulle de verre
Qui me grossit tes caractères
Qui me protège et m’indiffère
De tes défauts, de tes travers

Je suis l’autruche d’une histoire
Oiseau tout emplumée de gloire
La tête enfouie, le cœur miroir
Fougueux déni des faux-espoirs

Refrain: Je ne veux pas savoir
Ce qui brise les miroirs
Ce qui oblige à regarder
Ce que je préfères magnifier

Je ne veux pas savoir
Ce qui rends illusoire
Et qui force à observer
Les quatre foutues vérités

Je suis le doré d’une cage
L’obstinée des vieux adages
La négation des faux mirages
L’amère échouée d’un grand naufrage

Refrain: Je ne veux pas savoir
Les milles tours de tes ivoires
Qui font de toi ton prisonnier
Ton propre Bourreau
Même ton geôlier

Je ne veux pas savoir
Tous les détours de tes histoires
Tes tonnes de pages inachevées.
Tous ces signets décapités

Je suis le diable de l’avocat
Qui clâme du haut d’absurdes lois
De bien vouloir en rester là
De faire semblant que ça n’existe pas

Pont: Étoiles en haut du piédestal
Divinités des cathédrales
Pitié surtout ne dites rien
Préservez-moi dans un écrin.

Epilogue: Car je ne veux pas savoir
Je préfères m’ignorer
Je ne veux pas savoir
Je préfères me renier
Je ne veux pas savoir
Je préfères tout réfuter
Je ne veux pas savoir
Je ne veux pas savoir

Texte de Julie Vigneault

Musique : En quête



Chansons

Ombre portée

Paroles : Julie Vigneault
Musique : Urhiel Madran-Cyr

On la porte malgré soi
Sombre fardeau de nos émois
Telle une immense chape de plomb
Source noire de frustrations

Nous portons tous nos ombres
Sans en connaitre le nombre
Comme de fastes peaux de chagrins
Pesant bien lourd sur nos destins

Refrain : Parfois j’arrive à l’oublier
Mais tu as le chic de m’la ramener
Dans ton miroir aux alouettes
Toi la Racoleuse d’étiquettes
Tes humiliants rappels à l’ordre
Me reficelle dans ses cordes
J’apprendrai bien à la porter
Cette ombre de mon humanité

Nous projetons tous nos ombres
Marionnettistes de la pénombre
Dans le grand théâtre des blessés
On donne un spectacle déjanté

Je la porte dans mon ADN
Car chaque jour suffit ma veine
Je la traîne au fil des générations
Sombre héritage de distorsions

Refrain : Parfois j’arrive à l’oublier
Mais tu as le chic de m’la ramener
Dans ton miroir aux alouettes
Toi la Racoleuse d’étiquettes
Tes humiliants rappels à l’ordre
Me reficelle dans ses cordes
J’apprendrai bien à la porter
Cette ombre de mon humanité

L’ombre se porte tout près de soi
À gauche, à droite ou devant toi
Alors vas-y apprivoise la!
Porte ton ombre au creux de toi!

Épilogue : Comme dans la Caverne de Dante
Il se peut bien qu’elle me tourmente
Qu’elles s’inviteront à s’affronter
Ombre et lumière restées cachées
Même si elles préfèrent la fuite
Même si leur poursuite est fortuite
Les ombres préfèrent être projetées
Les ombres adorent être portées

Chansons francophones

Et si je n’étais pas mes mots ?

« Et si je n’étais pas mes mots? »

Je me sens si vulnérable
En ce matin de fleurs de sable
J’ai le cœur tout en déroute
Je suis paralysée de doutes

Et si j’avais tout embelli
Et si d’emphases j’avais nourri
Les strophes et les alexandrins
Pour me traduire, te tendre la main

Et si je n’étais pas mes mots?
Mais qu’ils me collaient à la peau
Comme un vêtement pour protéger
Ce qui pourrait t’être dévoilé
Et si je n’étais pas mes mots?
Si à cause d’eux je sonnais faux
Si derrière eux je n’étais rien
Qu’une pâle image d’un refrain

Je me sens déraisonnable
En cet après-midi de marbre
Devant le roc je me sens guerrière
Sculptant des armes dans quelques vers

Si je pouvais assumer
La force de ma dualité
Moitié candeur, moitié torpeur
Fragile mais fière pour quelques heures

Et si je n’étais pas mes mots?
Mais qu’ils me collaient à la peau
Comme un vêtement pour protéger
Ce qui pourrait t’être dévoilé
Et si je n’étais pas mes mots?
Si à cause d’eux je sonnais faux
Si derrière eux je n’étais rien
Qu’une pâle image d’un refrain

Et si je n’étais pas mes mots?
J’étais plutôt un simple écho
Une interprète d’humilité
De quelques mondes à raconter

Et si je n’étais pas mes mots….

Mots pour réfléchir

Les clans, les clans! Pas une raison pour se faire mal!

LA MEUTE
Chez plusieurs espèces, les individus vivent en meute. Au sein de ces systèmes, un mâle alpha veille à la survie du groupe. Son leadership s’exprime naturellement par la démonstration de comportements qu’il considère bénéfiques, tant pour la sécurité, que pour la pérennité de la meute. Au quotidien, chacun offre ses ressources selon une hiérarchie où prime la valorisation et le respect des compétences individuelles. L’adhérence au groupe ne se force pas. La loyauté s’établit instinctivement grâce à la reconnaissance, la confiance et la bienveillance des pairs les uns envers les autres. Bien que l’Alpha veille au loin, il n’hésite jamais à intervenir afin de maintenir l’équilibre du groupe. Pour lui, la somme des parties constitue toujours la force du tout.

Lorsque surviennent des obstacles, les membres les plus vulnérables peuvent compter sur l’indéfectible protection de leur clan. Face aux blessés ou aux plus faibles, L’Alpha s’assure ainsi que tous bénéficient d’une sécurité pleine et entière. Les prédateurs attaquent, le clan réagit. Un Oméga démontre un opportunisme inconvenant, tous s’assurent que la loyauté envers l’Alpha soit maintenue. L’Alpha, en faisant montre de transparence et d’authenticité, nourrit la force première de sa meute; la cohésion.

LA COUR
Chez d’autres espèces, la dynamique relationnelle s’avère totalement différente. Au sommet d’une hiérarchie siège un individu ayant obtenu son pouvoir par la force ou par la mise en place de nombreuses stratégies de manipulation. Sous son règne, tous lui doivent obéissance, respect, reconnaissance et admiration.

La Reine ou l’Empereur y détient le pouvoir absolu sur tous les sujets de la Cour. Au sein de ce type d’organisation, la valeur des subalternes se mesure à leur utilité bien plus qu’à leur efficacité. Afin de s’assurer de la longévité de leur règne, la dévotion de tous les individus se doit d’être perpétuellement mise à l’épreuve. On assiste ainsi à des jeux d’intimidation, des tactiques d’isolement et des stratagèmes de division des alliances internes. Il faut comprendre qu’à la Cour, seul le Maître peut décider de la légitimité d’un individu au sein du groupe. De ce fait, lorsque l’autorité supérieure constate de l’inutilité d’un sujet, celui-ci se verra exclu, isolé et éventuellement éliminé. L’Empereur, en asseyant son pouvoir, divise pour mieux régner. ​

CHOISIR SON CLAN
Bien choisir son clan personnel ou professionnel, demande un examen minutieux de nos schèmes de valeurs. À titre d’exemple, constater notre manque de confiance en soi peut nous aider à comprendre notre tolérance face aux comportements tyranniques. Pour mettre nos limites, il faut connaître toute la carte de notre modèle du monde. Pour découvrir ce qui compose notre univers, il faut sortir de nos zones de confort. La quête de soi s’amorce dans une grande marche des chemins d’ombres et de lumières.
Sur le parcours parfois aride qui mène à soi, il se peut que vous trouviez des révélations. Une situation, un partage, un film ou un poème pourrait mettre en lumière un grand besoin de cohérence au sein de votre environnement. Cette conscientisation vous amènera ensuite à reconnaître combien il est nécessaire, pour vous, d’évoluer dans un environnement au sein duquel la loyauté et la confiance font partie de la systémique fondamentale. Grâce à cette découverte, vous aurez dorénavant l’opportunité de placer ce critère dans le haut de votre liste lorsque viendra le moment de vous choisir un nouveau CLAN.

Il n’est jamais trop tard pour entreprendre la quête qui mène à la meilleure version de soi. Certes, il faut du temps, de la patience, de la résilience et une grande dose de volonté. N’ayez pas peur d’ouvrir l’œil. Soyez aux aguets des indices qui vous font ressentir de la joie, ou au contraire, de l’inconfort dans votre environnement. Prenez le temps de creuser plus loin en vous lorsque vous trouvez des perles de conscience. Qu’il ait été enterré là par un Empereur ou un Alpha, rappelez-vous que c’est en creusant que l’on découvre les plus beaux trésors qui dorment en soi!

Réflexions

« Au nom de la foi en la Vie »

64365824_607099183114778_6137538429539319808_nJ’ai grandi en apprenant la foi. Non pas cette foi issue d’une quelconque religion mais une foi indéfectible en l’être Humain, et ce, peu importe sa langue, sa nationalité, sa couleur. Dès ma tendre enfance, j’ai connu la merveilleuse richesse à cotoyer des Osganian, des Pérucic, des Morin et des Leblanc aussi. Grâce à un corps professoral généreux et soucieux d’offrir l’équité à tous leurs élèves, j’ai connu la joie du partage des cultures, des mets délicieux, des arts internationaux et des joies simplement tricotées par la magie de l’inclusion inconditionnelle.

Mais qu’est-ce qui a donc changé au sein de mon peuple pour que tout à coup on ressente dans les discours une peur viscérale de l’autre? Qu’est-il advenu des valeurs de paix et d’acceptation des différences que l’on m’a inculqué et que j’ai choisi de partager avec ma propre progéniture? Certes, les multiples conflits mondiaux ont éveillé des doutes quant à la montée de l’intégrisme au Québec. Encore plus probable, les médias sociaux ont malheureusement eu pour effet de nourrir certains filons de haine en mettant dans la même boîte tous les gens d’ailleurs venus s’installer dans notre terre d’accueil.

Ainsi, suite à l’adoption de la Loi sur l’immigration par notre gouvernement dimanche dernier, j’ai été à même de constater une forte dissension dans mon fil d’actualités Facebook. Certains appels à une protection du nationalisme à l’aide d’images d’une violence qui selon moi est en tout point dichotomique face à ce qui se passe dans la réalité. Ne sommes-nous pas assez fiers et dignes de nos racines pour nous tenir debout dignement tels des géants bienveillants? La démonstration apeurée de certaines organisations marginales n’affiche-t-elle, pas au contraire, notre manque de conviction face à ces hommes, ces femmes et ces enfants venus s’inspirer de la force de notre peuple?

​Pour ma part, même si certains voudront m’affubler de naïveté ou d’utopie, je persisterai à croire que le Québec est riche parce qu’il est diversifié, inclusif et généreux! Si je n’ai pas peur d’être assimilée, c’est parce que je suis riche de ce que je suis et que je reconnais cette même richesse chez l’autre. Pour moi, il n’y a pas d’exclusion mais juste une addition de ce qui nous définit mutuellement. C’est dans cette optique que j’ai envie de partager les contes et les légendes de mes ancêtres afin de donner aux nouveaux citoyens venus d’ailleurs l’envie de parler ma langue de sirop d’érable et de poésie d’hivers interminables. Il est de ma mission de non pas protéger mais bien de transmettre ce que nous sommes, ce que nous avons bâti afin que chacun d’eux se sentent chez lui, non pas pour en oublier ses origines mais bien pour nourrir aussi les nôtres.

Aux abords de mon demi-siècle, j’espère vieillir en cotoyant des Diouf, des Kotkaniemi, des Saoui et des Thuy. Je compte bien découvrir comment réussir à cuisiner des backlavas en écoutant du dukduk arménien. Je rêve de pouvoir apprendre la broderie suisse en sirotant un délicieux thé vert à la Marocaine avec mes voisins tout droit venus d’Ukraine pour les vacances d’été. Car, tout comme eux, je suis issue du spectre des milles couleurs, des milles déclinaisons de l’HUMAIN. Soyons fiers! Soyons simplement dignes de ce qui nous unit tous, la VIE.

Pensée du jour

Te recevoir sans contraintes

Je me suis souvent posée, et bien honnêtement, je me pose perpétuellement la question, à savoir si je suis digne de te recevoir. Certes mon esprit, mon essence et mes rêves t’accueillent le cœur béant d’utopie. Or, est-ce que mon corps brûlant de désir saurait véritablement survivre l’ivresse provoquée par les toiles d’euphorie peintes de tes mains sur mon dos, sur mes seins? Est-ce que mon épiderme saurait t’accueillir sans s’effondrer d’émoi, sans trembler si fort qu’il secouerait de fébrilité les milliers de failles sismiques de notre univers?

Car, te recevoir, sous-entend aussi cette infime possibilité que dans un incalculable nombre de moments, il y en ait encore quelques-uns destinés à ce partage de nos mutuels désirs. Or, si cette brèche temporelle subsiste, elle me demande de plonger sans contraintes dans tout ce qui me compose et d’accepter, tacitement, que pour être tienne, pour me livrer à toi sans contrainte, je possède la valeur inestimable que je te crois mériter.

Sache que dans mes moments d’épiphanie, j’arrive à me consentir frémissante face au mirage de ton souffle sur moi. Mon corps alors se chavire, s’anéantit presque d’émoi. Le spectre de ta chair envahissant la mienne me subjugue alors au point ou ma fleur de féminité se gorge d’une rosée orgasmique et libère un nectar auquel j’espère un jour t’abreuver.

Réveillée par une image, par une chanson, par ton prénom qui a cette étrange habitude de s’éclater partout sur les murs de mes silences, la pensée de nos âmes en fusion retraverse perpétuellement mon esprit la nuit, le jour, en voiture, en travaillant, en chantant, en prenant mon café, partout, souvent, presque tout le temps.

Te recevoir sans contrainte est une idée que je nourris avec tendresse et qui, d’ici à ce que nos lignes de temps se croisent, abreuve en moi un trésor des plus précieux. Je te dépose donc ici le partage de ces petits bijoux qui, bien secrètement gardés au fond de ma petite boite à musique, me permettent encore de fredonner ce que la vie veut bien me faire entendre de toi.

Avec toute ma tendresse,

Pensée du jour

En t’attendant

En t’attendant, je ne veux pas que tu me perdes. Alors va mon amour! Erre sans bruit dans ce vaste monde, car je resterai sagement ici jusqu’à ton retour. Tu peux hisser ta voile sans crainte. Libère-toi de toutes entraves, de tous ports d’attache et chasse les torpeurs qui pourraient encore faire obstacles à l’épanouissement de tout ce qu’il y a de majestueux en toi.

Surtout, ne craints rien car, du haut de ma montagne, je saurai te prévenir. Tel un fossile d’admiration devant tes conquêtes, je ferai le guet, applaudissant en silence l’éclosion de tes immenses talents. Bien à l’abri parmi les échos sinistres de la forêt je veillerai à propager la vive lumière de ton intelligence.

En t’attendant, je ne veux pas que tu m’oublies. Alors, la nuit, tandis que des loups anxieux rôderont autour de mon âme vulnérable, mes yeux te supplieront. Ils t’imploreront de me lancer ce qu’il te reste de nos festins de rires. Les soirs de pleine lune, je m’exposerai à devenir une douce proie, acceptant volontiers des morsures sur mon cœur, sur mon corps tout engourdi du froid de ton absence.

En t’attendant, je ne veux pas mourir. Inlassablement, je m’emploierai donc à retourner la terre de mes entrailles afin d’y faire germer les semences de bonheur que tu as si doucement déposée en moi. Dans le silence, j’apprivoiserai le chef d’orchestre de mes craintes foudroyantes. Je me ferai presque invisible, mais me nourrirai chaque jour de tous ces petits morceaux de fierté qui veulent s’épanouir en moi.

En t’attendant, je ne veux pas de promesses. Je ne veux pas de mensonges. Je ne veux pas d’adieux. En t’attendant, je ne veux qu’une chose, t’attendre…

Crédit photo: Toile de l’artiste-peintre Rock Gingras: “En t’attendant…”

Réflexions

Autopsie d’une résilience

« Tu es responsable de ce que tu as apprivoisé ». – Antoine de St-Exupéry »

La vie l’habite encore. Or, vous devez en faire abstraction.  Désormais, vous devez plutôt apprendre à accepter le choix de son absence, de son silence. Trop souvent, il vous arrive de l’imaginer là, quelque part,  en train d’être, de vaquer, de butiner, de cultiver d’autres jardins, sans vous.  Votre ventre brûle de questionnements.  Pourquoi cette condamnation à mijoter cruellement dans la tristesse et la colère?  L’univers n’est-il pas censé offrir des réponses à nos souffrances?  Qu’avez-vous donc fait pour mériter un si mauvais sort?

Votre muse s’est dissipée, muette, invisible dans les herbes hautes de votre incompréhension. Sortie de votre vie sauvagement, sans plus d’explications qu’un lourd silence réprobateur. D’abord hébété, puis doucement de plus en plus assombri, vous tergiversez aux bords des falaises de l’apitoiement. Pourtant, malgré les vertiges, une part de vous cherche viscéralement une part de logique à laquelle s’agripper.  Votre cerveau et votre cœur quémandent des preuves irréfutables pour justifier cette douloureuse confrontation.

Sous les conseils de votre famille, de vos amis, de votre thérapeute, vous décidez donc de vous investiguez. À froid, vous ouvrez impunément votre blessure en ciselant vos vieilles cicatrices dans l’espoir ultime d’y trouver quelques indices de votre innocence.  En fouillant furieusement dans votre charcuterie d’émotions, vous devenez l’archéologue de vos propres vestiges.  Vous souhaitez maintenant trouver bien plus que des réponses.  Vous êtes en quête de dénicher, coûte que coûte, les quelques parcelles encore viables de votre identité.

Or, tandis que votre corps, votre âme et vos pensées gisent béants sur la table de vos analyses, vous tentez encore de rétablir le contact entre les fils conducteurs de votre trame dramatique.  Vous  passez votre histoire au peigne fin, à rebrousse-poil, en décortiquant minutieusement chaque échange, chaque ambiguïté.  Vous constatez alors avec ou sans réel étonnement que, dans cette relation, vous avez toujours trop ou jamais assez. Si à certains moments vous avez manqué d’orgueil, d’autres fois,  vous n’avez pas fait preuve de la dose suffisante d’humilité.  Trop de fois vous vous êtes soumis  alors que, peut-être, sans doute,  vous auriez dû briller par votre indépendance. Bref, dans un sens comme dans l’autre, vous nagez en cercle autour de la case départ.  Lorsque vous êtes enfin fatigué, vous frappez un mur et vous laissez lentement couler dans le ciment.

Étonnamment, la prison de l’immobilisme vous donnera l’occasion de vous contempler, de vous déposer pour vous astreindre à accueillir l’infime partie en vous qui hurle son droit à la résilience.  Le temps passera et apposera un large bandage d’amnésie sur votre blessure.  Même les plus tenaces, les irréductibles avaleront à ce stade, l’amère pilule du lâcher-prise. Certes elle passera un peu de travers, mais, elle agira efficacement, et ce, avec ou contre votre volonté.

Sans trop de surprise, c’est encore le temps qui vous aidera à digérer les résidus putrides de votre situation.   Galvanisé d’espoir, le temps prendra l’allure d’une vitamine miraculeuse qui, en parcourant vos veines, s’attardera dans votre mémoire, dans votre cœur et dans vos tripes, encore un peu tordues, avouons-le, par le ressentiment. 

Lentement, sûrement, vous remontrez la pente.  Certains soirs, vous aurez l’impression loufoque de la grimper de reculons.  Mais certes, vous avancerez.  Un jour, votre estomac manifestera à nouveau l’envie d’y accueillir des papillons d’anticipation.   Vous y arriverez.  Vous aurez réussi.  Puis,  il y  aura  sur le mur cette petite ligne imaginaire.  Vous savez, celle que vous fixiez parfois pendant des heures les yeux dans le vide?  Oui, oui, celle-là!   Au fil des batailles, ce minuscule point dans le néant est devenu votre allié, le témoin privilégié de votre victoire face au passage de la faucheuse émotionnelle dans votre vie.  À jamais, il incarnera le souvenir de votre force dans la tourmente.  Mais, le plus étonnant, il vous rappellera comment, un jour, vous avez appris à grandir.

Julie Vigneault – Juin 2015